Perception et apparition du monde
« La perception ne fait pas apparaitre un objet - ou un système d'objets, peu importe - vers lequel je serais "dirigé intentionnellement", dont j'aurais "conscience". Elle raconte une histoire - en général, la mienne. [...] Affirmer cela, ce n'est pas emprunter à la littérature un modèle pour décrire le fonctionnement de la perception - comme lorsque l'on assimile le coeur à une pompe ou le cerveau à un central téléphonique. C'est bien plutôt la littérature qui emprunte son modèle à la perception. La littérature, le théâtre, le cinéma, tous les arts narratifs, impliquent pour leur fonctionnement des mécanismes de mise en récit qui sont déjà opérants dans la présentation perceptive. "Les histoires sont vécues avant d'être racontées". "Le récit fait partie de la vie avant de s'exiler de la vie dans l'écriture". »
C'est aujourd'hui devenu une évidence, tant en philosophie qu'en sciences cognitives : le monde est quelque chose dont nous - « sujet percevant » - faisons « l'expérience », quelque chose qui apparaît « à notre conscience », et à quoi la perception, d'une façon ou d'une autre, nous « donne accès ». Cet ouvrage, marqué par la radicalité du geste phénoménologique, se propose de déconstruire ce truisme subjectiviste, et développe une nouvelle approche - narrative et dramaturgique - de l'apparaître perceptif centrée sur les concepts d'histoire et de situation. Le sujet, par la perception, n'« accède » pas au monde, il n'en prend pas connaissance ou « conscience ». La perception raconte une histoire, qu'elle porte au phénomène. Le « sujet » - comme n'importe quel apparaissant - fait partie de cette histoire, en constitue même le principal « objet ». C'est par ce modus operandi - cette opération de mise en situation narrative - que la perception assure sa fonction de présentation, fait apparaitre le monde et nous y introduit.
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