Christiane Malval : chemin faisant. Christiane Malval : along the way

Il va y avoir soixante ans que je voyage en peinture. J'ai parcouru des pages d'oeuvres noires, puis des pages d'oeuvres blanches, plans nets et bien lissés. Puis j'ai tracé des sillons multiples, traversé la forêt des branches griffues, exploré le mur au-delà des limites du tableau, gagnant l'espace. Je me servais alors de tous les matériaux à ma portée. Un jour, je me suis retrouvée devant la toile avec seulement des pinceaux ; je m'en suis saisie pour rentrer à l'intérieur de moi-même : je puise à la source, attentive à l'organisation de la surface, aux lignes de force, aux signes qu'elle me donne, à la profondeur suggérée, à la transparence des tons choisis, au mystère qu'elle veut dégager. Et je me tiens aux moyens minimaux du peintre. Jusqu'à quand ? Un dialogue imprévisible s'instaure alors sans crier gare entre la toile ou le papier et le spectateur, toute la difficulté est là : conduire sa pensée en évitant les pièges et le bavardage, rester soi-même, simplement.

I've been on a painting journey for close to sixty years. I've travelled across pages of black artworks, then pages of white artworks, along sharp, smooth surfaces. Then I've dug many furrows, crossed the forest of clawing branches, explored the wall beyond the frame, gained space. Then, I would use every material I could get my hands on. One day, I faced the canvas with nothing but brushes. I wielded them to reach inside myself : I drew from the source, alert to the surface's order, to lines of force, to the signs it gives me, to the suggestion of depth, to the transparency of tones, to the mystery it wants to elicit. I stick to the minimal means of the painter. Until when ? Without warning, an unpredictable dialogue takes off between the canvas or paper and the viewer : the whole difficulty lies here, to steer your thoughts, avoiding pitfalls and chatter, to - simply - remain yourself.